Ce 8 mars, le groupe Tereos a annoncé la fermeture de deux unités de production (distillerie de Morains dans la Marne et sucrerie d’Escaudoeuvres dans le Nord) et la mise en vente de l’amidonnerie de pomme de terre d’Haussimont, également dans la Marne. Comment en est-on arrivé là ?
La suppression des quotas voulue par les coopératives sucrières entre en vigueur en 2017, elles peuvent désormais produire et exporter sans contraintes de volumes. Mais augmenter les productions de ce modèle est totalement inadaptée aux défis environnementaux et de santé publique :
- En 2016, la « Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » (dite Loi Biodiversité) actait la fin de l’usage des néonicotinoïdes dès le 1er septembre 2018 laissant le temps aux agro-industries de s’adapter et d’engager leur transformation.
- En 2017, les industriels, les décideurs politiques, les économistes, savent tous que le dérèglement climatique va causer des problèmes dans la filière et plus personne n’ignore les dégâts de la malbouffe.
- Les pénuries en eau obligent à modifier les cultures, les agriculteurs ont déjà diminué fortement les surfaces consacrées à la pomme de terre, et se tournent vers d’autres cultures, le chanvre par exemple.
- Cette agriculture reste ultra dépendante des intrants de synthèse comme les néonicotinoïdes. Une vision court-termiste l’a emporté réautorisant régulièrement ces pesticides, responsables notamment de la disparition des populations d’abeille. Les alternatives aux pesticides n’ont pas été développées, et ce qui était inévitable est acté : désormais, sous pression de l’Union Européenne, ces dérogations ne pourront plus être accordées.
L’ouverture du marché a conduit à une intensification des difficultés structurelles de la filière sucrière française. Son orientation agro-industrielle tournée vers l’export l’oblige à viser les économies d’échelle, les variations de prix sur les marchés la fragilise.
Face à ces défis d’ordres économique et écologique, le groupe Tereos a agi par réflexe capitaliste, visant la croissance et la rentabilité ; favorisant une stratégie d’investissements internationaux (au Brésil notamment), qui a fait accroître ses difficultés financières. Pour sauver les meubles les dirigeants ne se sont pas donné pour priorité de préserver l’avenir professionnel de celles et ceux qui ont fait les beaux jours de ces usines, ni de préserver la vie des territoires qui leur ont offert les infrastructures, les ont vu naître et s’enrichir. Ils choisissent de sacrifier des coopératives françaises, créées pour et par les agriculteurs ! Ils suivent ce modèle, qui est précisément celui qui nous a mené dans le mur.
Non Monsieur Clay, une transformation écologique ce n’est pas fuir les problèmes et en créer d’autres ailleurs, et ce n’est pas uniquement une transition énergétique. La transformation écologique c’est un changement profond, ce sont des solutions respectueuses de l’humain et de la nature. C’est transformer son activité pour adapter l’outil industriel et la production aux besoins nouveaux et pour sécuriser l’avenir des producteurs et des emplois. La transformation écologique c’est l’opportunité de rendre à la collectivité et aux biens communs ce que des années de surexploitation des ressources naturelles ont pris, c’est faire preuve de solidarité dans un contexte où chacun doit contribuer aux solutions selon ses moyens. De plus en plus d’entrepreneurs prennent cette voie, car c’est celle qui a un avenir et qui donne du sens au travail.
Le refus de changer de modèle bouche la voie vers des solutions durables et désirables.
Les écologistes au pouvoir : vision globale et anticipatrice vers une bioéconomie soutenable
Premièrement, l’horizon est au dépassement du modèle actuel pour refonder à la fois notre agriculture et notre industrie. Pour cela, les pouvoirs publics doivent stopper les politiques de dérogation, qui n’incitent pas les industriels à transformer leurs activités. Et ils doivent cesser de subventionner l’équipement industriel sans vision globale et anticipatrice. Même pour faire des économies d’énergie, il faut se demander s’il est opportun d’injecter des fonds publics dans une industrie qui est appelée à se transformer.
Deuxièmement, les pouvoirs publics (locaux, régionaux, nationaux) doivent développer un plan de transformation de l’agriculture et de l’industrie. Pour cela, il est nécessaire que les agriculteurs, et leurs coopératives, les plus vertueux soient accompagnées à la fois par un soutien à la structuration de nouvelles pratiques et à l’émergence de nouvelles organisations. Ces mesures pourraient être financées par une taxe portant sur les activités polluantes et nuisibles à la biodiversité.
Troisièmement, la transition doit être acceptable par tou.te.s, et au premier rang, les salariés des secteurs concernés par l’arrêt des activités polluantes. Il faut de l’anticipation pour assurer la continuité des carrières professionnelles. Il est nécessaire que les pouvoirs publics ouvrent pour l’ensemble des salariés concernés la possibilité d’une reconversion. Cette politique de reconversion doit être ambitieuse et massive. Par exemple, les salariés concernés pourraient bénéficier de la formation de leur choix dans des domaines soutenables. Ces reconversions seraient prises en charge par le financement public, car investir dans la connaissance de haut niveau est un atout essentiel pour conduire la transition écologique. De même, ce financement couvrirait également les coûts liés à d’éventuelles mobilités.
Contact : Evelyne Bourgoin T 06 81 52 27 60